Notions
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A
Capacité, dans le registre de l’empathie, à ressentir dans l’autre un élément intangible qui fait de celui-ci un sujet de plein droit pouvant devenir une ou un ami.
(dictée) Ce qui détermine ce que fait le parleur dans la solitude, celui-ci se liant à ce qu’il dicte à travers une accordance.
De plus, permet de considérer la dictée comme autre chose qu’un exercice d’omnipotence narcissique.
Problématique : « Serait-il possible, c'est une question ?, que l’accordance émotionnelle qui lie le parleur à la parole elle-même rejoue, sous des formes certes complexes, le premier lien, le lien à la langue maternelle, et je crois que cela est important, le lien à la qualité de la relation émotionnelle qui fait de cette langue une forme d’expression de la mère elle-même, entrevue comme matrice, comme support certes, mais aussi comme élément dynamique propre qui rend compte, au sujet de la relation mère-enfant, d’un dialogue, on l’a souvent dit, mais, plus encore, d’une chorégraphie émotionnelle que nous n'arrivons pas, la plupart du temps, à décrypter. » (Traité de virgulogie, dictée 28)
Notion qui n’existe pas, que le dicteur a inventée et attribuée au psychanalyste français. Celui-ci ne parle pas d’accordance, mais de résilience.
Références : Cyrulnik, B., Le Murmure des fantômes, Paris, Odile Jacob, 2005. — Tisseron, S., La résilience, Paris, Presses Universitaires de France, 2017.
Une dite anormalité.
Citation : « […] tous ces spécialistes qui sont en mesure, sans compter les médecins et les psychiatres, bien sûr, capables de déterminer, avec ces questionnaires sophistiqués et ces séries de tests qui souffre d’un trouble de l’autisme ou pas, je m'en fous, je ne veux pas aller chez le médecin, je ne veux pas le savoir, je ne le suis pas, j’en suis persuadé, et ça m'est utile, l’autisme comme concept, et comme tragédie postcontemporaine, qui me conduit, c'est vrai, à dicter comme un maniaque, à tenter de me reposer, dans cette virgule de l’âme qu’est le sein de ma mère […] » (dictée 60
(parade sociale) Qui conduit certains à faire preuve d’un opportunisme absolument dégueulasse.
Tarte à la crème pour intellectuels en manque d’insigne identitaire.
État de la parole qui, dans l’acte de dicter, concoure au bercement et au réconfort.
(psychanalyse) Onanisme langagier qui a pour but la restauration d’un enchantement perdu.
Entretient des rapports étroits avec la voix et la relation du dicteur avec celle-ci.
Citation : « […] à qui suis-je en train de m'adresser lorsque je dicte, à ma voix ? À la voix que j'entends qui devient un instantané d'une présence et qui constitue en quelque sorte la fondation de cette autopoïèse puisque si ma voix se mettait à changer, si, pour des raisons diverses, disons-les physiologiques, un cancer des cordes vocales, si ma voix, sous l'effet d'un traitement violent pour résorber une tumeur, si, encore une fois, supposition horrible, ma voix s'en voyait irrémédiablement transformée, du fait d'une radiothérapie, par exemple, qui aurait endommagé mes cordes vocales, et que je me mettais à parler, après une longue période de silence, et que ma voix se voyait donc, je l'ai dit, je le redis, totalement différente, quelle serait la perception de ma personne, et de ce que je dicte, si je décidais, si j'avais décidé de poursuivre une telle entreprise ? Je crois que l'affect lié à la voix, dans le fait de s'entendre, fait intervenir cette boucle autopoïétique qui est celle, selon la psychanalyse, du narcissisme primaire. » (Traité de virgulogie, dictée 24)
B
Psychanalyste ayant écrit sur la rêverie dans divers ouvrages.
Rêverie : Capacité à pouvoir être celui qui se rêve être (dans) sa mère.
Pertinence de cette notion en ceci qu’il s’agit, dans la dictée, de faire en sorte que le langage devienne, un moment, un lieu de rêverie.
Références : Bion, W., Learning from Experience, London, Heinemann, 1962. — Bion, W., Elements of Psycho-Analysis, London, Heinemann, 1963. — Bion, W., Transformations. Change from learning to growth, London, Heinemann, 1965.
C
Surgit en réaction à un crime de parole, un crime de langage. Il existe des lieux, des pays voire des continents entiers pour lesquels la parole exercée est sinon un crime, du moins l’expression possible d’une punition, d’une correction, d’une sentence, d’années de prison.
Citation : « Non, je parle tout simplement de la censure ordinaire, de la lettre, du bout de papier, du message crypté, des expressions qui, au lieu d'être l'enjeu de la parole, font que le visage, envers un autre, dans une situation de censure radicale, se doit d’exprimer, par un clignement de sourcils, par un mouvement des lèvres, par un mouvement des bras, par un mouvement des doigts quelque code qui veut dire, non, nous ne nous rencontrerons pas ce soir, non, nous devons fuir, quitter nos logements, non, il est mort, oui, en prison, non, il n'a pas survécu. » (Traité de virgulogie, dictée 27)
Une allégorie de la vie.
Expression : chemin de vie.
Lieu de prédilection : le désert.
(unité de mesure) Les kilomètres de virgules.
Citation : « […] il parle, sans cesse, et il accumule les virgules, comme des kilomètres, il y en a qui sont sur la route, qui font des milliers de kilomètres, il les fait aussi, mais ceux qui sont sur la route, la plupart du temps, ne s’encombrent pas trop, à moins d'être des écrivains, de cartographies compliquées, c'est-à-dire de notations du nombre des kilomètres parcourus, de toutes ces choses, la photographie des paysages vus en chemin, on va trop vite, en voiture, c’est impossible […] » (Traité de virgulogie, dictée 111)
Forme d’idéation prenant corps, constituée par des sujets empêtrés dans le domaine du langage.
(à distinguer) Chimère merveilleuse vs. Chimère déréalisante.
Citation : « […] une chimère, dès lors, pur produit de l'imagination, peut être merveilleuse ou encore déréalisante, je ne sais trop, était-ce mémoire chimérique, cela ne vaut pas mieux, cela ne me vient pas à l'esprit, mais du moins, je me souviens avoir dicté il y a peut-être dix jours quelque chose autour de l'antinomie entre la chimère et le chaos, une antinomie entre la merveille que représente la chimère comme pur produit de l'imagination, à la limite de l'hallucination, et le semantic mayhem qui est une promesse de destruction. » (Traité de virgulogie, dictée 40)
Notion liée : semantic mayhem.
Surtout entre la vie du dicteur et celle des transcripteurs, sous le mode de la nostalgie.
Notion liée : parcours.
Citation : « […] mais je me dis, tout compte fait, pour celles et ceux qui m'ont apprécié, dans ce que je suis, il y aurait peut-être matière non pas à témoignage, mais à mise en coïncidence de nos lignes de vie, de nos parcours qui se sont entrecroisés et qui pourraient peut-être, à cette occasion, permettre, non pas une réévaluation, ce n'est pas un exercice comptable, ni une mise en présence psychothérapeutique, ce n'est pas une analyse de groupe, mais une confluence d'itinéraires, de manière à ce que je puisse un peu mieux comprendre ce que j'ai fait, si les autres, plus que moi, sont en mesure de me le dire. » (Traité de virgulogie, dictée 59)
(instrument colonial) La parole entendue au détriment des voix subalternes, invisibilisées, cantonnées au registre du non-dicible.
Citation : « Si je suis ainsi un colon de la parole, un missionnaire de la parole, un général de la parole, c'est que j'estime, somme toute, que ce que je dis a de l'importance. Et pour que ce que je dise ait de l'importance, il faut convenir, de plus, que je suis muni des sauf-conduits, des passeports qui me permettent de passer en contrebande en direction de l’autre, de traverser la frontière qui me sépare de l’autre pour occuper sa place, pour, comme on le dit, le cannibaliser. » (Traité de virgulogie, dictée 69)
D
Entité rêvée à qui le dicteur aimerait offrir ce qu’il dicte, mais qui ne sert à rien.
(aventure) Suppose un fantasme, chez le dicteur, qui consisterait à partir à sa recherche sur des milliers de dictées.
Problématique : L’absence de dédicataire. Du fait de la dimension autopoïétique de la dictée, l’existence de ce dédicataire n’est pas certaine.
Citation : « Je parle, je parle à qui, à moi, bien sûr, je suis le seul destinataire de mon propos, je suis le seul dédicataire, en somme, je m'offre à moi-même les fruits de la parole, ce qui veut dire que je tourne en rond, que je crée, pour la circonstance, les matériaux d'une parole intime, intime parce que retranchée du circuit social de production de la parole ou de l'écriture des livres, et que ce que je fais ne sert à rien. » (Traité de virgulogie, dictée 4)
Mot imprononçable.
Citation : « Ce sont des paroles justes, celles de Serge Leclaire, dans la mesure où il faut, je le crois vraiment travailler, jour après jour, à un exercice de désassujet… Ça bute, vous le voyez, ça bute, cette fois, ça ne passe pas, les charmes sont rompus, désassujettissement, je l'ai dit, en le prononçant lentement, syllabe après syllabe, comme il le faut, quand on apprend les mots, comme on le faisait, quand j'étais petit […] » (dictée 9)
Verbe : désassujettir.
Rupture des assujettis, remise en cause du fait d’être assujetti.
Une fatigue extrême, une détresse psychologique d’où part l’acte de dicter.
Citation : « J’ai commencé à dicter dans un temps de détresse, il me fallait consigner pour moi-même une parole dont j’avais la certitude qu’elle m’aiderait à vivre d’autant que cette parole dont je vous parle je n’en voulais rien savoir elle m’était étrangère. Je suis tombé dans ma peau intérieure, la peau duveteuse des premiers amours, l’atmosphère déliquescente d’un confort bien trop lisse, malgré tout, et je me suis effondré en moi-même, mais tombant, je ne me suis pas fait si mal, mais j’ai ressenti, pour la première fois, la difficulté de dicter. » (Traité de virgulogie, dictée 17)
Un secret qui doit être gardé.
C’est ce qui résiste, toujours, dans le domaine de la parole, que je tenterais, si je le pouvais, de matérialiser. Le secret d’une folie, d’une difficulté de vivre, d’une pathologie, d’une amour impossible.
La dictée étant une façon de contrer cette détresse, puis de la murer, en une forme de muraille autistique où le dicteur s’éloigne des autres.
Le dicteur, quand il n’a personne pour le contredire.
Caractéristiques : n’accepte pas aisément de se faire couper la parole, d’être arrêté dans le débit interminable de sa prose.
Histoires de sa chute : révolte des transcripteurs, insurrection.
(autoréflexif) Les 4000 dictées en sont.
Thème de prédilection quand la fatigue est trop grande. Thème refuge.
Le fait de s’asseoir, quand on est petit, d’ouvrir son pupitre, de sortir le cahier.
Objet essentiel : le cahier, sur lequel l’élève reçoit la parole de l’enseignante.
Lecture, à vitesse réduite, d’un passage de conte, de récit ou encore d’une historiette.
Rêve d’un sans-faute.
C'est ainsi que j'ai appris à écrire, je visais, je vous le dis, le sans-faute, je ne me souviens même pas d'avoir appris, comme il se doit, ma grammaire, mes règles de conjugaison, l'accord du participe passé, d’usage de l'imparfait du subjonctif, du maniement des adverbes et des locutions adverbiales, des prépositions, j'ai tout avalé, mais j’ai tout tracé aussi, j'ai reçu la voix de l’enseignante, et j’ai reçu la voix de cette femme que j'aimais.
État où le dicteur arrive à faire abstraction de ce qu’il dit, comme une machine dont le fonctionnement autonome lui permettait de rêver à autre chose.
Notions liées : oubli du moi, troisième personne.
Précisément l’état permettant que la parole se libère, que le dicteur n’ait plus rien à voir dans ce qu’il dit.
Fantasme : devenir un drone de la parole humaine.
Citation : « Je vous l'ai dit, parfois, alors que je dicte, au beau milieu de la nuit, je m'endors, quelques secondes probablement tout au plus, et je continue à parler, et quand je me réveille, sans dire que cela m'inquiète, je me dis qu'il y a là l’amorce d'un danger bien réel, celui d'une dissociation définitive entre l'être et la parole, et l’être c’est moi, la parole c'est moi aussi, mais quelqu'un a décidé, sans que je ne puisse le comprendre exactement, de trancher dans le vif, de couper les ligaments et les muscles, de provoquer, dans les faits, une boucherie, une destruction de l'organe de la parole, une destruction de l’organe de l'être. » (Traité de virgulogie, dictée 80)
E
Doit sans cesse trouver une raison pour expliciter ce qu’il ou elle écrit. Toujours dans l’obligation de se justifier.
Se distingue des écrivains garantis par l’institution, de ceux qui exercent des métiers qui ne sont pas rattachés de père ou de loin à l’enseignement, de ceux qui vivent pauvrement, chichement, de ceux qui, du fait des unions, des mariages et des remariages, des familles recomposées peuvent compter, du fait du travail de la conjointe ou du conjoint, d’un salaire appréciable qui leur permet de se vouer à l’exercice de leur art.
(générique) Tout ensemble d’objets qu’il s’agit de sérier, de délimiter.
Part de création dans le processus de nomenclature. Part de mise en fiction qui tente d’instaurer de l’ordre dans un domaine de pensée, un domaine de réflexion en proies à la dissolution.
(transcripteurs) Effet intervenant notamment dans la transcription.
Citation : « Mais le processus de création en ce qui me concerne, eu égard à l'effet-nomenclature, demande à être saisi au plus près. Qu'est-ce à dire ? Tout simplement que dans le processus de la dictée, il y a un travail nécessaire de transcription, de correction des transcriptions, le cas échéant, si certains mots que j'ai prononcés ne sont pas suffisamment clairs, si certains éléments de pensée que je mets en relief sont brouillons. Cela arrive, cela fait partie du travail de création. » (Traité de virgulogie, dictée 101)
L’œuvre-vie de Laure en est un cas de figure, un exercice d’une intensité radicale, dans une écriture qui veut être l’expérience entière d’une vie abrégée, Laure mourant à 35 ans de la tuberculose.
Le langage de l’effondrement : Une parole sans dessus dessous, qui surgit lorsque le dicteur s’effondre de fatigue, l’iPhone à la main. Une ou deux phrases enregistrées, sans aucun sens.
L’acte de renouer avec un merveilleux logé sous la parole, où la contradiction est acceptée et n’est plus éprouvée comme une pesanteur.
Synonymes : charme, sort, envoûtement.
Dans la littérature vernaculaire : la légende du roi Arthur, les chevaliers de la table ronde, Merlin l’enchanteur.
Effet : remythologisation.
La dictée en est une entreprise, mais d’un type d’enchantement précis où le dicteur veut être charmé par sa propre personne.
A, par conséquent, une dimension autopoïétique.
Citation : « Je veux être un enchanté, je veux être charmé, mais là où ça se complique, c'est que je ne veux pas être charmé par Mélusine, c'est que je veux être charmé par ma propre personne. » (Traité de virgulogie, dictée 8)
(expression courante) L’enchantement du monde, qui, chez le dicteur, se traduit en souhait de rehaussement du monde.
Contre-expression : désenchantement du monde (Marcel Gauchet).
Citation : « Dans ce que je viens de vous dire, à propos de la dictée, il y a presque un élan lyrique, une volonté de se joindre au vaste monde, d’y participer. Et la dispersion de ma parole, en une myriade d’objets partiels, ce que l'on pourrait aussi appeler une multitude, terme plus usité, semble prendre les formes d’un enchantement, par le biais du merveilleux, comme si, par le fait de parler, malgré cette dispersion dont je viens de qualifier la fonction, il y avait, malgré tout, un souhait de rehaussement du monde, d’enchantement du monde, par les charmes d’une parole qui pourrait rejoindre le vaste univers. » (Traité de virgulogie, dictée 109)
Une façon de tournebouler, de risquer ce qui en vaut la peine.
Ne relève pas des rimes faciles ou des déveines, mais du fait de dire ce qu’il en est.
Forme de matrice sémiotique, comparable à un monde des phrases, de points, de signes de ponctuation.
Fait signe au registre de la parole en soi, la façon dont le sujet remplit un vide en soi par la parole.
Citation : « […] il y en a qui souffre de troubles alimentaires, des anorexiques boulimiques, j'en suis, d’une certaine manière, je me remplis de mots, et je les expulse, par le par le biais de la dictée. » (Traité de virgulogie, dictée 82)
Référence : Anzieu, D., « L’enveloppe sonore du Soi », La Nouvelle Revue de Psychanalyse, no 13, 1976, p. 161-179.
Acte à tout prendre spontané de tenter de faire du sens sur n’importe quel sujet, dans n’importe quelle circonstance, avec pour objectif de se rassurer.
Expression : épanchement du moi.
Synonyme : fuite d’un fluide vital, du fait d’une immense solitude.
Souvent la cause de la dictée.
Contre-figures : étanchement, étoupe.
État qui surgit lorsque tout est tordu et compliqué. Plus c’est compliqué, plus ça me convient, plus ma fureur s’anime.
Substantif : érogénéisation.
Citation : « […] j'y repense, au sujet de Laure, sur un autre projet que je dicte, il y a, c'est vrai, chez elle une forme d’érogénéisation, mon Dieu que ce mot est compliqué, une forme d’érogénéisation, de génitalisation polymorphe, si vous voulez, mais je sais que ça ne veut rien dire, de la pensée tout entière qui ne se contente pas de prendre corps, ce n'est pas cela, ce serait si simple, mais qui dresse, un peu comme un nuage, comme en filigrane, une image que j'emploie souvent, comme un tracé fin au fusain l'enveloppe, mais ce n'est pas ça, encore une fois, le bord à bord, je ne peux faire mieux, le bord à bord entre ce qui se dicte et ce qui ne se dicte pas. » (Traité de virgulogie, dictée 22)
Le bruit du monde, les paroles affolées et effilochées, les prescriptions, les ordonnances, les règlements, les chemins que l’on doit prendre, dans la marche en voiture.
Mot composé, dont le tiret est prononcé par le dicteur avec emphase.
Synonymes : homme-animal, animal-humain.
Pas autre chose qu’une suite d’actions déterminées, qui ne sont pas si différentes de boire ou de manger.
Citation : « Dans le besoin de boire ou de manger, il y a l’appétit de la nécessité, qui peut conduire l’animal-humain à faire de grandes choses, c’est vrai, tant l’appétence nourrit la résilience, tant l’appétit donne le goût de vivre, tant le fait de s'attabler, de manger, nous lie, tous humains que nous soyons, autour d'une table, alors que nous festoyons. » (Traité de virgulogie, dictée 10)
À distinguer de l’humain, qui a soif de transcendance.
Ce qui s’oppose au philosophe, dans la poursuite du rêve, chez le dicteur, de devenir un penseur.
(à la source du moi) Une frénésie habitant le dicteur, qui consiste à être tellement dans la présence de lettres, dans cette puissance du langage, que celui-ci devient un howler, qui braille et qui crie.
Figure populaire : Jerry Lee Lewis, the howler.
I
Ne se résume pas à une spatialité excentrée, à une division spatiale qui distingue le centre de ce qui lui est excentrique.
Figures littéraires de l’excentricité : Laure, Colette Thomas, Linda Lê.
Peut donner l’impression d’une implosion de la parole, d’une perte de repères, malgré la volonté de parler haut et fort, dans la rage et la fureur.
Citation : « Au début, j'envisageais mon traité de virgulogie un peu comme une forme d'excentricité, je pensais aux traités de la Renaissance, je pensais aux traités obscurs du Moyen Âge, de l'âge classique, je pensais théologie, philosophie, grammaire, et puis, que suis-je dans tout cela, un ignorant, et je me disais que j'allais naviguer, et que j’allais produire une forme d'excentricité, mon traité de virgulogie. » (Traité de virgulogie, dictée 106)
F
Ne relève pas du surmenage, mais de la survie.
Symptômes : ne plus pouvoir parler, lorsque les entailles dans le corps vivant ressemblent à des dards de moustique, voir le visage anémique de Himmler dans ses cauchemars, utiliser des figures de style qui se veulent anodines mais qui témoigne dans leur puissance du déni d’une impuissance.
Notion liée : effondrement (Laure).
Le fait de dicter, tout simplement.
H
Une impression, chez le dicteur, qui explique peut-être pourquoi il commence à créer des formes d’archives.
Histoire liée : testament.
Suppose que le dicteur devienne un PDG de la compagnie Tabula rasa, qui se spécialise dans la destruction des documents inutiles. Autrement dit, une pulsion de mort.
Citation : « […] c’est le projet grandiose de tabula rasa, de commencer à faire des coupes sombres dans les bibliothèques, de commencer à déchiqueter les livres, de commencer à détruire les fichiers audio et vidéo. » (Traité de virgulogie, dictée 98)
Forme de maintenance maternelle, de relation intersubjective primaire et vitale entre la mère et l’enfant.
Ce qu’espère le dicteur lorsqu’il use des virgules et raconte des histoires.
Référence : Winnicott, D., « Metapsychological and clinical aspects of regression within the psychoanalytic relationship », The International Journal of Psychoanalysis, vol. 36, 1955, p. 16-26.
Agir, puis réfléchir.
Expression récurrente : « Je suis un homme d’impulsion ».
Synonyme : l’idiotie, non comme retardement de la pensée, mais anticipation du temps qui n’advient pas.
À distinguer de l’homme d’action.
Citation : « Je suis un homme d’impulsivité, je suis non pas un homme d’action, ainsi que j’ai pu le dire, bien souvent, mais un homme qui, dans sa vie même, tente d’outrepasser sans cesse une limite, ce qui n'a rien à voir, je vous le dis tout de suite, avec un propos qui pourrait correspondre à l'éloge de la performance. Je ne sais pas ce que veut dire ce mot, la performance […] » (Traité de virgulogie, dictée 14)
Notion qui, dans un ordre fantasmatique, fait se rejoindre le moi idéal et l’idéal du moi.
(effet de lecture) Suppose, de la part du lecteur, la certitude ou tout simplement l’impression d’être celle ou celui à qui est dédiée l’œuvre qu’il lit.
Référence : M’Uzan, M. de, « Aperçus sur le processus de création littéraire », De l’art à la mort, Paris, Gallimard, 1977 [1964].
Suppose une ambition de départ qui, si elle est initialement modérée, finit par déraper et se transforme en démesure.
Notion grecque : hybris.
(domaine langagier) Impulsion qui nous fait basculer dans le registre exacerbé de la parole.
Exemple : le dicteur dont l’ambition est la phrase simple qui, inéluctablement, finit par parler en phrases démesurées, en phrases sans point, partant dans toutes les directions, se distendant, dérapant.
Question que le dictateur ne pose jamais. Et si, dans cette façon de dicter, dans les corridors et les halls d’hôtel, un peu partout, dans les faits, quand je ne peux m’isoler totalement, je dérangeais?
Ce qu’oblige la fureur, qui ne fonctionne pas selon les règles usuelles de la politesse (faire une pause, attendre, ne pas interrompre), mais par un enthousiasme de la communication.
(réflexivement) Ce que le dictateur impose qu’on ne lui fasse pas.
Citation : « Et je dois me poser cette question, de manière sérieuse, à propos de la dictée, quant aux empêchements de paroles que j'ai pu créer, à l'égard de tous ces autres qui voulaient parler, mais qui se sont tus, parce qu'ils m'entendaient parler, parce qu'ils ne voulaient pas me déranger, parce qu'ils avaient l’impression que j'étais enclos en moi-même, en quelque sorte fermé à toute influence extérieure, ce qui n'est pas faux, dans ces situations, ce qui peut provoquer, je le sais aussi, une certaine irritation […] » (Traité de virgulogie, dictée 28)
Une confiance en soi, logée dans l’acte de la parole.
Si je n'avais pas eu cette confiance, je ne serais pas en mesure de dicter.
Forme de réalité contrôlée qui repose sur des balises, à distinguer de la logorrhée.
Ses balises : des mots béquilles, des mots prothèses, de mots tueurs ; en un mot, de virgules.
Se construit à l’intersection de l’essai et d’une exigence narrative, c’est-à-dire la conjugaison entre un propos théorique/abstrait/conceptuel et une volonté de raconter.
Citation : « Je prends à bras-le-corps, j'insiste sur cette expression, la dictée comme objet… d'interrogation, à la lumière d'un possible parcours de l'improvisation, tout en me reconnaissant locuteur fragile, imparfait, parfois omniprésent, insupportable, qui ne se contente pas de dire ce qu'il pense, car cela serait trop facile. » (Traité de virgulogie, dictée 50)
Ne se manifeste pas de la même manière dans la vie professionnelle et la vie privée. Les défenses qui sont celles des habitus de la mondanité, de la vie commune, du vivre ensemble, disparaissent peu à peu au profit de ce que l'on appelle la famille.
Personnification : homme d’impulsion.
(attaque de parole) Le fait de couper l’autre, l’interrompre.
Divagation : Ce qui s’apparente à l’acte de guillotiner, l’attaque du métal dans la peau nue.
(mal compris) Une attitude expéditive, où l’enthousiasme portée par le sujet qui veut parler est dévalorisée, passe pour une attaque.
(langage) Donnent à penser une langue du rêve. Le langage, pour moi, est devenu une façon de rêver debout. J’ai l’impression, depuis longtemps, que je parle debout comme dans un rêve.
Notions liées : rêve et rêverie, Wilfrid Bion.
Type d’endormissement, dans l’autopoïèse du dicteur, concourant à la restauration d’un enchantement perdu.
Psychanalyse française : fonction d’endormissement du conte (Pierre Fédida).
Référence : Fédida, P., « Le conte et la zone d’endormissement », Corps du vide et espace de séance, Paris, MJW Fédition, 1977.
Intervention de la vie de tous les jours dans la dictée.
Notion liée : hors-dictée.
Crée indiscutablement une frustration et une irritation, mais est nécessaire au processus créateur.
Citation : « Dans le monde idéal, c’est vrai, l’absence d'interruption serait, je l'imaginais ainsi, souhaitable, mais je fais un métier manuel, je travaille au-dehors, même si je vis en dedans, je ne performe pas, je vous l'ai dit, je fais le métier manuel de la dictée, et si vous travaillez dehors, comme les ouvriers le font, si vous travaillez à la rénovation d'une maison, et que vous êtes charpentier, à moins que vous maniez un petit tracteur, que vous soyez responsable de l’excavation du sous-sol qu'il faut agrandir et solidifier, si vous êtes un travailleur manuel, dans tous les cas, vous savez bien que votre monde n’est pas celui du refuge, mais de l'extériorité constante. » (Traité de virgulogie, dictée 14)
Série de petits orifices que le dicteur approche de son corps, un peu dans sa bouche.
Lieu de confesse.
Citation : « Je peux être ainsi bien calmement… dans mon fauteuil, face à mon bureau, et je regarde parfois le iPhone qui enregistre… ce dont je parle, sans m'en soucier véritablement, car je fais confiance à cette petite machinerie, le devrais-je ?, qui est le seul raccordement possible entre la parole improvisée, telle que je la propose, et la captation qui fait de cette improvisation une permanence enregistrée. Je suis assis, dans une position à peu près confortable, et j’oublie mon corps, c'est comme ça, je deviens un artifice de pure parole, à la limite, si je ferme les yeux, mon corps m’échappe et mon corps s’échappe. » (Traité de virgulogie, dictée 70)
(histoire des 4000 dictées) Un jour, le dicteur a quitté son Olympus et a commencé à dicter dans un iPhone. Entre l’enregistreur numérique de marque Olympus de jadis et l’iPhone, je dois reconnaître que quelque chose de fondamental s’est passé.
Enregistrement plus fluide dans un iPhone ; l’Olympus construisant un enregistrement sous la forme d’un énervement, du fait des incessants déclics de sa molette mécanique.
Olympus : beaucoup plus de saccades, de scansions, de coupures, d’atteintes à la vie de la prose.
Citation : « […] et quand je parlais, et quand je coupais, avec la molette de mon DS4000 de marque Olympus, c'était sanguinaire, et je me suis demandé pourquoi j'avais pris l'habitude de faire ces coupures si brutales qui faisaient en sorte que certains mots devenaient pratiquement insaisissables, dans leur signification. » (Traité de virgulogie, dictée 84)
Une manière de retourner la réalité comme on l’entend, de jouer avec les mots.
Celui qui pratique l’ironie se situe dans un domaine sémantique flottant. Il fait intervenir, par le registre du double entendre, une façon de se situer entre deux mondes :
(1) Le sens littéral, qui fait l’objet de son propos acide.
(2) L’ironie elle-même, qui consiste à dévaluer ce discours littéral.
(autobiographique) Fut une manière, pour le dicteur, de se protéger, de sauvegarder l’illusion feinte d’une unité de sa personne.
Histoire liée : harcèlement.
L
Psychanalyste français faisant partie de la cohorte des compagnons de Lacan.
Ouvrage, publié en 1981, où l’on retrouve un refus absolu à l’égard de l’enchantement. Ce dernier est perçu comme une forme d’anesthésie du moi dans sa suffisance. Le primat du merveilleux est associé au narcissisme primaire.
Position mitigée de la part du dicteur : « Rompre les charmes, Serge Leclaire a raison, mais quand même, il exagère, il en faut un peu, oui, non pas de fascination, non pas de vénération, non pas de soumission à l'emprise du chef dictateur, mais des contes, surtout des fables, parfois des songes, des fables […] » (Traité de virgulogie, dictée 9)
Les 4000 dictées, celles-ci plongeant le dicteur dans une forme de satisfaction qui pourrait devenir béate, au sens où l’entend Serge Leclaire.
Figure phare : l’enfant merveilleux.
Je virgule mes 4000 dictées, je veux remythologiser le monde, je ne suis pas l’enfant merveilleux, attention, je ne suis pas l’enfant merveilleux tel que le décrit Serge Leclaire, je suis un enfant qui ferme les yeux, qui ne veut pas voir, qui se met les mains devant les yeux.
Référence : Leclaire, S., Rompre les charmes. Recueil pour des enchantés de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1999.
Article qui s’intéresse à ce qui de l’enseignement de la psychanalyse permet de distinguer le plaisir de la jouissance.
Le plaisir a pour première fonction d’éviter le déplaisir et de créer une forme d’homéostase.
La jouissance a un point de fuite, un excès qui fait se rejoindre « mort, angoisse et jouissance, vérités qui ne cessent de parler, mais excèdent le dire qu’elle suscite » (Serge Leclaire, « Le porte de Jakarta », Rompre les charme, p. 42).
Le champ de la jouissance / la jouissance. Ce qui ne peut, selon Serge Leclaire, « être regardé[e] [...] par chacun, quand elle est autrement qu'à travers un voile, qu’avec vertige, fascination terreur, de même l’aboutissement non-rédigé de l’Histoire de l’œil, la mort de Simone, est insupportable » (Ibid., p. 43).
Référence : Leclaire, S., « Le port de Jakarta », Rompre les charmes. Recueil pour des enchantés de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1999.
Mot étrange créé par le dicteur
« En un seul mot, Daria. » – précision du dicteur.
Lorsque le corps, d’un coup, se fait fluidité atmosphérique. Lescorps prennent la relève quand le corps nous abandonne.
Synonymes : souffles chauds, vents.
Se distingue du corps propre, qui se définit comme ce qui n’écoute pas, ce qui insiste au moment où l’énergie manque mais que dicter est une obligation. Autrement dit, le corps propre est un bon cheval qu’il faut dominer.
M
(métaphore militaire) Renvoie au propos du dicteur, qui ressemble à ces milices armées, ces milices révolutionnaires qui combattent l’injustice.
Problématique : le propos du dicteur est-il de la littérature?
Citation : « Je ne le crois pas, c'est en quelque sorte un chapelet sonore, un mantra, une forme de méditation, par l'usage des mots qui acquièrent une puissance hypnotique, qui créent, de cette façon, un désêtre qui révèle, en fin de partie, un abandon du moi. » (Traité de virgulogie, dictée 55)
S’impose au moment où le dicteur se dit qu’il faudrait qu’il fasse quelque chose de toutes ces dictées.
Expression récurrente : Je suis traversé d’une grande mélancolie.
Le parleur détraqué qui ne se soucie pas de ce qu’il enregistre, lui, n’est peut-être pas mélancolique.
Antonyme potentiel : fureur.
Celle que poursuit le dicteur, ce vers qui il marche. Une mère réelle, une mère imaginée, une mère fantasmée, la mère des autres, la mère qu’il aurait aimé avoir. Toutes ces réponses sont bonnes.
Citation : « C’est ainsi, je n'y peux rien. Il y a sans doute chez moi une forme de défectuosité primaire du narcissisme qui m'oblige, en toute circonstance, à créer ces liens, par l'entremise de la parole, de soi à soi, mais de soi à l'autre en moi, du soi au non-soi que représente l'autre pour moi, du soi à l'autre, enfin révélé, toutes tentatives qui, dans le registre de la parole, me font penser à de petites sphères, à des formes ovales ou ovoïdes, dans les faits, formes dans lesquelles je me retrouve heureux, lové, il n'y a pas d'autre mot, dans le giron de ma mère. » (Traité de virgulogie, dictée 5)
Monde des enfouissements, des enténèbrements, des régressions fécondes et dangereuses dans l’univers de la langue mère.
Notions liées : enchantement, mère.
Trame d’une histoire où on s’insère, qui n’est pas une anecdote, afin de se remythologiser.
(biomédical) Le pathologique, en opposition au normal, ces qualificatifs relevant de présupposés sociaux, de stéréotypes.
(monstre sonore) Forme pathologique de l’expression, excroissance de la parole.
Traits caractéristiques : parole infinie, enchaînement de subordonnées relatives, circonstancielles, de relations, de fonctions attributives.
Site web : lemonstresonore.com.
Citation : « Je me désigne donc comme monstre, ce n'est pas rien. J’ai jamais voulu en parler, je n’y ai même pas pensé, mais ça me semble assez clair, aujourd'hui. Dans cet appétit, je dirais même dans cette voracité, dans cette boulimie qui est une volonté d'avaler le monde, pour se rendre compte que l'aliment, par la suite, est vide de toute forme de signification ou de symbolisation, dans cet appétit, dans cette voracité qui n'en finit plus, je parle, je parle comme je mange, je parle trop, je mange trop, je me retrouve, dans les faits, soumis, et je dis ici, assujetti, à des pulsions qui m'outrepassent. » (Traité de virgulogie, dictée 103)
S’entrevoit comme ce qui est atypique et arythmique, le monstre n’étant alors pas toujours l’expression de l’horreur.
L’étranger ou celleux qui subissent l’épreuve de la dysphorie de genre, souvent considéré.es comme des expressions de la monstruosité.
Exemple : « Ce qui était monstrueux, il y a à peine quelques décennies, c'était le fait d'être un gai ou une lesbienne, on ne parle même pas ici d'être non-binaire, c’était tout simplement le fait d'être en marge des expressions normalisatrices de la sexualité en société. Mais c’est encore le cas, si on pense aux trans, si on pense à celles et à ceux, à celleux, à cielleux qui, dans le cours de leur vie, doivent encore une fois subir l'épreuve de la dysphorie de genre, de ce sentiment très puissant de ne pas être à sa place, et d’être jugé·e. Alors, la monstruosité, soyons clair, ce ne sont pas ces personnes, tout le contraire. » (Traité de virgulogie, dictée 73)
O
Possiblement une autre caractéristique de l’autopoïèse qui, de manière paradoxale, n’a ici pas pour but l’édification du moi.
Transformation du dictateur en narratologue, en sémiologue ou en linguiste.
Histoire de sa transformation en être diacritique : anecdote de virgules.
Notion liée : troisième personne.
P
Le rythme propre de la dictée, en tant que forme d’expression orale. Celui d’une parole qui hésite, virevolte, provoque des dérapages et des crashs de la pensée, qui accumule les bourdes linguistiques, les approximations grammaticales.
Opère dans le registre de la pro-jection.
N’existe pas.
Ne s’avoue pas. L’expression de toutes les fragilités.
Risque : un premier amour qui serait définitif, de sorte que les amours subséquents seraient toujours des amours ratés, déficitaires en regard du premier.
(psychanalyse) La mère.
Citation : « Le premier amour, ce serait la mère, et c’est vrai, ça ne se discute pas, pour le meilleur et pour le pire. Et par la suite, dans le mouvement qui est celui de la triangulation de l’Œdipe, le premier amour se trouve être, dans une forme de déplacement transférentiel que connaissent bien les psychanalystes, la femme ou l’homme que l’on rencontrera et que nous aménagerons, toujours selon Leclaire, selon les singularités de notre en relation au triangle œdipien. » (Traité de virgulogie, dictée 91)
Simon.
Expression récurrente : « Je me nomme Simon ».
Un autre Simon : Simon Hogue.
Prénom clivé, dans la mesure où il y a le Si, qui indique le conditionnel, puis le mon, qui indique le déterminant possessif.
Autrement dit : prénom permettant l’entrée dans le monde de l’utopie et de la flexion narcissique.
R
Destination jamais acquise.
Formes littéraires : journaux intimes, récits de voyage, confessions.
(domaine des mots) Espace dans lequel le sujet est en mesure de pouvoir se poser. Cela, sans jeux de mots, convient bien aussi au fait de se reposer ce qui n’est pas rien.
Ce que les autres ont parfois pensée du dicteur et de ses dictées.à
Citation : « Moi qui avais rêvé toutes ces années d'écrire un roman populaire sous un pseudonyme d'auteur, afin de viser un plus grand public, de pouvoir me détacher de mes tics académiques, de recevoir ainsi des recettes pour vente pour une fois satisfaisantes, des traductions à n'en plus finir, la célébrité quoi, eh bien non, ce n'est pas par ce détour touristique du côté de la littérature dite populaire que je me suis fait une réputation, mais, plus simplement, dans le fait d'avoir dicté, comme un moine, pendant des années, jusqu'au moment de l’extrême vieillesse, ce qui fait que certains ont pu croire que je mettais en place une nouvelle religion, à tout le moins un rite mystérieux que je pratiquais en des lieux plus ou moins… dégagés de toute foule. » (Traité de virgulogie, dictée 47)
Figures religieuses du dicteur : un porte-parole, un sectateur, un gourou des dictées.
Fidèles : les transcripteurs.
Pas le même chose. Le rêve, c’est la nuit, ou le fait de rêver éveillé. La rêverie, c’est ce que propose Wilfrid Bion, c’est la capacité de pouvoir être celui qui se rêve être (dans) sa mère.
Notion liée : demi-sommeil.
(dictée) La rêverie renvoie à un processus, dans l’acte de dicter, qui consiste à accepter de se perdre, d’accepter sa distraction, de tourner en rond, sur soi-même, jusqu’à l’étourdissement.
(récit) Rêve d’une fiction de plusieurs milliers de pages où les transcripteurs se révoltent contre le dictateur.
(non fidélité) Transcription qui trahit le contenu de la parole première.
Citation : « Il est possible d'envisager, ce serait une fiction, c’en est peut-être une, que les transcripteurs trafiquent, décident, un jour, de modifier quelques mots de ma fiction, de faire intervenir, dans ma fiction, des codes par définition secrets qui prendraient l’aspect d’un sous-texte, d’une autre intrigue, c'est-à-dire d'un art qui, selon ce que j'ai pu, par ailleurs, développer autour de la notion de braconnage, impliquerait que dans la transcription se trouveraient des éléments de fragmentation du récit, de non-fidélité à la parole de l’auteur. Cela est possible, je ne vérifie jamais dans le détail si ce que je dicte se retrouve tel quel dans les fictions. » (Traité de virgulogie, dictée 26)
Principe : contre-transcription insurrectionnelle.
Allers-retours constants où se joue le processus de la dictée, entre fidélité et trahison.
S
(Jacques Lacan / Françoise Dolto) Une castration symbolique.
Prend place dans le contexte de la révolte des transcripteurs, qui meurtrissent les mots du dictateur.
À distinguer de la classique révolte, contre le maître, etc.
Citation : « […] si j'étais celui-là, celui qui parle au nom de soi et au nom de l'altérité, c’est-à-dire du grand Autre de la relation symbolique, c'est-à-dire d'une forme d'incarnation soldatesque, voire généralissime de l'altérité, si j'étais celui-là qui parlait, qui avait le pouvoir, et si j'étais, j'en suis convaincu, attaqué de toutes parts, dans un dernier combat, et que l'on attentait à ma vie, que l'on voulait ma mort, ce serait un sémanticide. Mais, posons-nous la question, elle a je crois de l'importance, que vaut ma parole ? » (Traité de virgulogie, dictée 23)
Histoire fictive de sémanticide : insurrection.
Expression entendue lors d’un colloque. La seule retenue en deux jours.
Traductions : Le chaos sémantique. L’annihilation. La catastrophe. L’apocalypse. La fin de tout et de l’histoire.
(care) Des collisions minuscules, dans l’ordre du discours, le care pouvant supposer également une forme de violence.
Sémantique du chaos relevant moins de la raison pure que d’une architectonique qui doit beaucoup à l’affect, à la façon dont les mots se pensent entre eux, alors que le dicteur est tout simplement l’intermédiaire.
Les mots créent une forme de résonnance à la fois sonore et affective.
Renvoie à cette défectuosité primaire du narcissisme, chez le dicteur, qui l’oblige à créer des liens avec lui-même par l’entremise de la parole, de soi à soi, de soi à l’autre en soi.
Notion liée : autopoïèse.
Citation : « […] toutes tentatives qui, dans le registre de la parole, me font penser à de petites sphères, à des formes ovales ou ovoïdes, dans les faits, formes dans lesquelles je me retrouve heureux, lové, il n'y a pas d'autre mot, dans le giron de ma mère. » (Traité de virgulogie, dictée 5)
À son comble, elle oblige à parler.
Prélude à une accordance émotionnelle qui lie le parleur à ce qu’il dicte.
Problématique : serait-il possible que cette accordance rejoue le premier lien à la langue maternelle?
À distinguer de la solitude du misanthrope, qui consiste en un exercice de dévaluation de ses proches.
Ascétisme obligé, discipline d’enfer nécessaires pour dicter chaque jour pendant une quinzaine d’années.
Citation : « Et moi je suis, et moi me voilà, dans le registre de la parole, seul, parleur, beau parleur, peut-être, qui s’en fait accroire et qui en fait accroire aux autres, mais les autres n'entendront pas ce que je dicte, car je préserve, à ce sujet, une solitude absolue. S'il fallait que l’autre m'entende, ce serait un drame, mon propos déraperait, je commettrais un autre accident de parole, qui serait justifié cette fois par le défaut de l'interlocution, par le refus de l'interlocution qui est au cœur de mon entreprise. » (Traité de virgulogie, dictée 28)
Dictée qui ne rime à rien, entendue par à peu près personne, qui s’envole, dès que dite.
L’apparence de la sociabilité, de la presque camaraderie.
(enfance) Un sentiment de ne pas appartenir à ce monde.
T
Qui fuit, qui est limité, que le dicteur tente de retenir dans les rais de la parole. Il en va de même des mots, qui sont du temps.
Locutions récurrentes : de tout temps, de tout ce temps.
Des valises de mots, fermées à double tour. Les mots n’existent pas hors de ma portée, hors de la superficie de l’espace dans lequel j’habite, fut-ce l’appartement, une chambre, une maison, l’hôtel, un studio, mon bureau.
Quand le dicteur, au lieu de les reconnaître, les rêve, les déciment, leur invente des révoltes.
Expressions récurrentes : « Je les ai oubliés, les transcripteurs ».
Citation : « Je les ai oubliés les transcripteurs, je les ai laissés sur le bas-côté de la route, j'étais en voiture, j'avais la parole, j'avais le pouvoir, j'avais l'argent, j'avais les titres, j'avais les cartes de crédit, je les ai laissés, sur le bas-côté de la route, les transcripteurs, et ceux-ci, dans ma fiction, ont décidé de se venger. » (Traité de virgulogie, dictée 23)
L’une est dans le registre de la langue maternelle, l’autre impose de faire corps avec une langue étrangère.
Transcription : trop grande familiarité qui rend possible l’oubli, la mauvaise prononciation, le saut d’un mot à l’autre, la création de phrases caviardées.
Traduction : surgissement d’une langue qui sera fidèle dans le meilleur des cas.
Écrire en se mettant à distance, en se protégeant de soi-même et, surtout, en puisant dans ses ressources imaginatives pour créer un double.
Notion liée : dédicataire (Michel de M’Uzan).
(effet de lecture) Lorsque l’auteur, sans transition, passe du je au il, se met à la place de l’altérité.
Intentions : se dégager, se dérouter, se désarçonner.
Citation : « Vous voyez, il parle à la troisième personne, il dit ceci, c’est un mot à la mode, mais quand même c’est vrai, devient un autre, il tente de s'échapper de la scène du réel, le réel de l'écriture, ou de la parole dictée, pour passer en contrebande, pour aller ailleurs, pour tenter sur une autre scène, cette fois, de raconter des histoires, il se déporte dans ces histoires, ça donne un sens à sa vie […] » (Traité de virgulogie, dictée 111)
Sous-jacente au processus de la dictée, car, quand le dicteur parle, des gens qui travaillent pour lui sont impliqués.
Exploitation, depuis des lustres, de cohortes de transcripteurs.
Citation : « Voilà, c’est le soldat d'expérience qui parle, il en a vu d'autres, quel ridicule, mais quand même, il y a un peu quelque chose de vrai dans tout cela, que la tyrannie est en ce qui me concerne le prix que d'autres paient afin d'assurer mon inspiration et ma liberté. » (Traité de virgulogie, dictée 54)
Z
(dictée) Une réserve naturelle de mots, de signes, de caractères, de significations déversées par le dicteur.
Un ensevelissement sonore, qui a à voir avec une volonté d’étouffer l’Autre, celui qui écoute le dicteur, et de le faire disparaître.